Retour à la page d'accueil

Logo ATFG - Firmin Gémier par G-R Grataloup

ATFG - Antony

Amis du Théâtre Firmin Gémier

La Vie théâtrale et culturelle en Banlieue Sud

 

Actualités théâtrales et culturelles

Hiver-Printemps 2010

Regards,
commentaires,
notes

  

La Sélection artistique et théâtrale  de l'ATFG 

Hiver-Printemps 2010 

La Sélection théâtrale et artistique de l'ATFG 

Hiver-Printemps 2010


  • Le Cirque invisible par Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thierrée, au Théâtre  du Rond-Point,  du 23 décembre 2009 au 16 janvier 2010. Virtuosités poétiques et burlesques de Jean-Baptiste Thierré et Victoria Chaplin.
  • La Pierre de Marius von Mayenbourg, mise en scène de Bernard Sobel, avec Anne Alvaro, Claire Aveline, Priscilla Bescond, Anne-Lise Heimburger, Edith Scob, Gaëtan Vassart, au Théâtre National de la Colline du 22 janvier 2010 au 17 février 2010.


Wajdi Mouawad - Littoral - Theatre 71 - Thibaut-Baron

  • Circenses, par le Cirque Ronaldo, espace Cirque d'Antony, du 12 au 20 février 2010. Où l'on voit les treize membres d'une vieille famille de gens du cirque (on en est à la cinquième génération) rendre hommage au cirque tout en le sabotant subtilement. Car on voit le spectacle "côté spectacle" puis ... "côté coulisses" !

  • Le bout de la route de Jean Giono, mise en scène de François Rancillac au Théâtre La Piscine, Châtenay-Malabry, 9 mars 2010.

  • Les Estivants de Maxime Gorki, mise en scène d'Eric Lacascade, aux Gémeaux - Scène Nationale de Sceaux du 9 au 21 mars 2010.

  • Générations en cavale, de Sylvie Chenus, mise en scène de Mathieu Loiseau, création au Théâtre des Sources, 16 mars 2010.


TFG - Synge - Couleau - Affiche Les Noces du rétameur et La Fontaine aux saints de John Millington Synge, mise en scène de Guy-Pierre Couleau, coproduction du Théâtre Firmin Gémier, Antony, 16-28 mars 2010.
Ciels de Wajdi Mouawad, aux Ateliers Berthier (théâtre de l'Odéon), avec John Arnold, Stanislas Nordey, Georges Bigot,  du 11 mars au 10 avril 2010. Photo (c) Jean-Louis Fernandez Quatrième titre du quatuor dont nous connaissons les trois premières étapes: Littoral (1999), Incendies (2003) et Forêts (2006). Ciels a été créé en Avigon en juillet 2009.

Affiche Exposition - Gleizes à Moly-Sabata - Maison des Arts - Antony Jean-Claude Libert - Gouache
J.-C. Libert - Gouache - 1952






Maison des Arts d'Antony 12 mai - 25 juillet 2010
Albert Gleizes & Moly-Sabata

Anne Dangar
Jean-Claude Libert
Robert Pouyaud

Présentation de l'exposition par Alix Saint-Martin sur le site vallée-culture
Albert Gleizes et Moly-Sabata à La Maison des Arts d'Antony du 12 mai au 25 juillet 2010. Grande exposition sur un peintre majeur du post-cubisme et la communauté d'artistes créée à Moly-Sabata.

Albert Gleizes
&
Moly-Sabata


Anne Dangar
Jean-Claude Libert
Robert Pouyaud
Affiche Exposition Gleizes à Moly-Sabata - Maison des Arts - Antony
Avec 30 peintures et oeuvres sur papiers d'Albert Gleizes et 15 oeuvres, gouaches et huiles, du peintre antonien Jean-Claude Libert qui a rejoint Gleizes en 1952.
Notre dossier

Jean-Claude et Yvette Libert à Moly Sabata

1952-1955

Jean-Claude Libert - Gouache




Théâtre Firmin Gémier
Antony - 16-28 mars 2010
Les Noces du rétameur et La Fontaine aux saints de J. M. Synge, m. e. s. de G. P. Couleau
John Millington Synge


Texte français :
Françoise Morvan

Mise en scène
Guy Pierre Couleau



Collaborateur artistique à la mise en scène
Guillaume Clayssen

Scénographie
Raymond Sarti

Costumes
Laurianne Scimemi

Lumières
Laurent Schneegans



* Production Comédie de l'Est-Centre dramatique régional d'Alasace – Colma

* Coproduction Théâtre Firmin Gémier/La Piscine, Antony et Chatenay- Malabry.

Les Noces du rétameur et La Fontaine aux saints, deux pièces de John Millington Synge, mise en scène de Guy-PIerre Couleau. Co-production du Théâtre Firmin Gémier - Antony - 16-28 mars 2010.

Nous attendions beaucoup de cette création de Guy-Pierre Couleau, dont les Antoniens ont tant apprécié sa vision de Rêves de Wajdi Mouawad en 2005 et l'opéra Vespetta et Pimpinone en 2007, et nous avons fait de passionnantes découvertes.

Interprètes

Les Noces du rétameur

(1908)

Xavier Chevereau, Pascal Durozier, Flore Lefebvre des Noëttes, Carolina Pecheny

La Fontaine aux saints

(1905)

Philippe Mercier, Flore Lefebvre des Noëttes, Xavier Chevereau, Pascal Durozier, Anne Mauberret, Carolina Pecheny, Jérémie Reecht.
Théâtre Firmin Gémier - John Millington Synge - Guy-Pierre Couleau - Mars 2010
 John Millington Synge (1871-1909) est un auteur dont une pièce est régulièrement jouée, Le Baladin du monde occidental (1907), mais il reste peu connu chez nous. Aussi la création à Colmar puis à Antony de deux autres pièces de Synge a été une totale découverte. Cet Irlandais, né dans une famille protestante, rompit avec sa religion d'origine, voyagea en Allemagne (pour la musique), en Italie et en France où il fit des études (en particulier sur la culture celtique) et où il rencontra l'écrivain irlandais William Butler Yeats. Synge décida de retourner séjourner en Irlande. Il fit plusieurs séjours dans les îles d'Aran. Ces îles sont aujourd'hui célèbres chez les artistes pour sa société et ses paysages exceptionnels : le cinéaste Robert Flaherty a réalisé un classique du documentaire, L'Homme d'Aran (1934), Gilbert Bécaud a composé L'Opéra d'Aran

   Dans son pays d'origine, et principalement, dans les îles d'Aran, Synge a été frappé par le dynamisme d'une  population souvent très pauvre, par sa langue (le gaélique), par le rôle du catholicime et par les souvenirs des traditions païennes, celtiques.  Ses pièces ont servi de répertoire de base au Théâtre de l'Abbaye de Dublin, haut lieu de la création artistique moderne irlandaise. Mais son théâtre, souvent violent et sans concession, a fait scandale dans son pays (émeutes provoquées par Le Baladin). Il a été publié et connu assez tôt en France (Lugné-Poë a joué Le Baladin en 1913).  Le Baladin aurait influencé le Giono du Bout de la route, joué récemment  à La Piscine : l'arrivée d'un personnage étranger  perturbe une communauté de gens du peuple. Une tragédie peut alors se déployer. La tragédie concernait les dieux et les héros, les rois et les aristocrates (ou à la rigueur, la grande bourgeoisie). Les gens du peuple n'avaient droit qu'à des "témoignages" ou à des "faits de société" (c'est-à-dire à des mélodrames pleins de clichés). Une révolution littéraire a eu lieu. 

   Guy-Pierre Couleau dit volontiers que sa vocation de metteur en scène est née de la lecture du théâtre de Synge. Il a monté Le Baladin il y a plus de dix ans. Il y voit un "Théâtre de la différence". Dans Les Noces du rétameur, le "lever de rideau" de la soirée, apparaît  le monde des "rétameurs", cette population nomade, marginale qui vit du travail de l'étain, de mendicité et de rapines.  Dans La Fontaine aux saints, la pièce principale, c'est le monde des aveugles mendiants. On peut voir en Synge le maître de Beckett (qui l'a nommé comme le seul auteur qui a pu l'influencer). En effet, ne dit-on pas de Beckett qu'il a inventé un "genre", avec ses dialogues qui sous-entendent un discours philosophique et métaphysique, dialogues proférés par des clochards ? (Peut-on aussi remonter au Neveu de Rameau de Diderot, avec son héros discoureur, fils de famille devenu S.D. F. ?) Or c'est bien ce "type" que Synge fait vivre dans ces deux pièces  : des pauvres et des mendiants qui ne sont pas bons et qui choisissent de vivre en opposition avec la société dominante. Dans ces sociétés du "lumpenproletariat", les pulsions (l'alcool, le sexe) sont dominantes ; on ne pense pas à un avenir plus lointain que les heures qui viennent et seul compte le moment où l'on va chercher à se procurer une bouteille d'alcool ; et on ne se marie pas. Dans ces pièces sur un pays très dominé par le catholicisme, nous sommes frappés par les discours violemment athées de ces mendiants. Ils refusent de voir la beauté du monde créé (l'auteur, qui a rompu avec le protestantisme, est resté marqué par une vision puritaine du monde). En mettant en scène un auteur comme Synge, Guy-Pierre Couleau met  à l'honneur un répertoire de "classiques modernes", répertoire dont nous regrettons souvent le peu de présence sur nos scènes.     

Guy-Oierre Couleau - Théâtre Firmin Gémier Antony - 17 mars 2010
(C) JLL
Guy-Pierre Couleau
Hall d'entrée du Théâtre Firmin Gémier
17 Mars 2010

 Guy-Pierre Couleau a magnifiquement mis en scène les pièces de Synge : choix d'un décor en escaliers ondulants (de Raymond Sarti) qui permet de jouer avec l'espace, utilisation puissante des éclairages (de Laurent Scheegans). Le metteur en scène bénéficie grandement du travail de sa troupe, avec ses comédiens très aguerris. Nous ne présenterons pas Flore Lefebvre des Noëttes —  que nous connaissons depuis longtemps  – qui est totalement à l'aise dans ses rôles de "femmes monstrueuses" à qui elle donne une grande présence et beaucoup de poésie. Dans La Fontaine des saints,  Philippe Mercier, en aveugle mal-pensant, lui donne une réplique furieuse très impressionnante. Face à ces "monstres sacrés", la jeune génération fait mieux que de la présence. Dans Les Noces du rétameur, Xavier Chevereau et Carolina Pecheny créent un couple de jeunes rétameurs oscillant entre désir (ou acceptation) de respectabilité et révolte violente. Dans La Fontaine aux saints, Pascal Durozier et Anne Mauberet arrivent à s'affronter avec vigueur au dangereux couple d'aveugles qui refuse le jeu social. Face à des rôles difficiles à rendre aimables, Pascal Durozier, en prêtre abusif, puis Xavier Chevereau, en "saint charismatique", sont tout aussi à la hauteur. Oui, une passionnante et belle soirée. 

J.-L. Lambert

18 mars 2010

Remerciements à Guy-Pierre Couleau 
qui nous a accordé un entretien amical le 17 mars après le spectacle.


Théâtre des Sources
Fontenay-aux-Roses
16 mars 2010
Générations en cavale de Sylvie Chenus, m. e. s. de Mathieu Loiseau
Création

Théâtre des Sources - Sylvie Chenus - Mathieu Loiseau - Générations en cavale

Compagnie
La Jacqueline


Texte
Sylvie Chenus


Mise en scène
Mathieu Loiseau


Avec :
Agnès Proust,
Pauline Laidet
Claudine Baschet

Scénographie
et
Lumières
Michel Gueldry


Images
Denis Verdier

Costumes

Nadia Léon

Création sonore
Alain Lithaud

Il y a actuellement un renouveau de la mise en scène de théâtre qui passe par l'utilisation des nouvelles technologies, des effets visuels et sonores, de la vidéo. Est-ce absolument nécessaire ? Est-ce la remise au goût du jour des célèbres "défilés de chevaux" du Châtelet de l'avant-dernier siècle, ou de la machinerie du théâtre de l'ère classique, avec ses "deus ex machina" qui descendaient du ciel à grand renfort de feux d'artifices, ou de ces défilés de chars avec machineries compliquées lors des grandes fêtes du XVIIIe siècle où il fallait montrer au peuple où passait l'argent de ses impôts payés aux classes dominantes ?  Nous connaissons quelques grands metteurs en scène qui savent utiliser avec brio les grands moyens techniques modernes (Robert Lepage, Lee Breuer, Stéphane Brauschweig, André Ligeon-Ligeonnet, celui-ci trop peu connu). Nous en connaissons d'autres (que nous ne nommerons pas) qui montrent que richesse technique peut rimer avec manque d'idées artistiques et vacuité de la pensée. En outre, certains grands metteurs en scène nous avaient également convaincus que la simplicité matérielle de leur mise en scène allait de pair avec une extraordinaire inventivité artistique (Deborah Warner à ses débuts)

  On se pose alors plusieurs questions. La première qui vient immédiatement à l'esprit : que devient l'humain dans cette aventure ? Et cela au moment où le cinéma nous abreuve d'images numériques : pourra-t-on se passer d'acteurs ?

Théâtre des Sources - Sylvie Chenus - Mathieu Loiseau - Générations en cavale
  La réponse à la première réponse est simple : Lepage et Ligeon-Ligeonnet sont eux-mêmes les acteurs de leurs propres spectacles. Brauschweig et Breuer sont de grands "directeurs d'acteurs".

   Mais la deuxième question est concrète : nous savons que les moyens financiers des théâtres sont bien limités, et à part ceux qui travaillent avec les grosses institutions bien dotées, quels metteurs en scène auront les moyens de monter des pièces où une "technique lourde" sera partie prenante de leurs projets artistiques ? On a peut-être eu une remarquable réponse le 16 mars 2010 à Fontenay-aux-Roses : on a vu qu'avec des moyens techniques —  efficaces mais matériellement simples  — il est possible de réussir un projet théâtral complexe, alliant jeu d'acteurs, images et sons.

   Sylvie Chenus a écrit un texte sensible sur les relations mère-fille, texte qui s'étend sur quatre générations. Il est fait appel à trois actrices (jouant, ou suggérant, quatre rôles) pour parler de l'amour entre ces générations, mais aussi du difficile accès à la liberté individuelle d'une "fille obéissante" qui a eu une "mère forte". Pour se glisser dans cet espace-temps subtil qui nous fait effectuer des va-et-vient dans le temps, l'espace, le réel et l'imaginaire, le metteur en scène Mathieu Loiseau a eu recours à un espace scénique séparé par un écran.

Générations en Cavale - Photo Denis Verdier
Sur cet écran, des images (par Denis Verdier) sont projetées. Autour de cet écran un espace lumineux (par Michel Gueldry) et un espace sonore (par Alain Lithaud) sont créés. Devant cet écran, une scénographie est suspendue (par Michel Gueldry). De part et d'autre de cet écran, trois actrices (Agnès Proust la mère, Pauline Laidet, la fille qui alterne entre deux gérération, Claudine Baschet qui a l'âge de la grand-mère)  jouent soit devant, soit derrière, soit — comme Alice —, "traversent le miroir", car c'est de fugues qu'il s'agit.
Photo : Denis Verdier
La technique —  au total simple à réaliser sur le plan matériel et sans doute peu coûteuse en moyens matériels, mais riche en inventivités artistiques !  — est mise au service d'une expérience humaine authentique et émouvante. Une très prometteuse expérience théâtrale.

J.-L. L



Théâtre La Piscine, Châtenay-Malabry
9 mars 2010
Les Estivants de Maxime Gorki, mise en scène d'Eric Lacascade
Pièce de
Maxime Gorki

Montée par
Eric Lacascade

Avec
Millaray Lobos Garcia , Elisabetta Pogliani , Christophe Grégoire ,
Jean Boissery ,
Daria Lippi ,
Eric Lacascade ,
Christelle Legroux ,
Jérôme Bidaux ,
Alain d'Haeyer,
Stéphane Jais,
Arnaud Chéron


Mardi, nous avons vu Les Estivants de Gorki, pièce dans laquelle l'auteur démontre encore une fois que la révolution est due à la décadence de la société et surtout de" l'intellighentsia" bourgeoise : une mise en scène efficace qui souligne les caractères des personnages-types et assure un déroulement de l'intrigue parfaitement orchestré : de l'arrivée progressive et de  l'installation de chaque groupe d' estivants dans sa résidence  jusqu'à son départ, son retour en ville et aux affaires. C'est l'occasion pour l'auteur de mettre à nu la personnalité jusque là bridée par les conventions sociales de chacun des personnages. Ils évoluent autour, dans et même sur ce qui représente des datchas : des cubes ( séparés, regroupés, liés) à transformations multiples et dont le metteur en scène tire les meilleurs effets, faisant disparaître, surgir, passer de l'un à l'autre des comédiens animés par la volonté de donner vie à cette réunion de bourgeois.

 Le défaut qui est souvent afférent  à ce genre de théâtre ? Quelques lourdeurs et longueurs dans la "démonstration".
 
Serge Herry


Théâtre La Piscine, Châtenay-Malabry
9 mars 2010


Le Bout de la route de Jean Giono, mise en scène de François Rancillac

Le Bout de la route
de Jean Giono

Mise en scène
François Rancillac


collaboration à la dramaturgie :
Frédéric Révérend
scénographie :
Jacques Mollon
costumes :
Ouria Dahmani-Khouhli
lumière :
Cyrille Chabert
son :
Daniel Cerisier, Fabrice Drevet

avec :
Éric Challier (Jean)
Charlotte Duran (Mariette)
Jean-Pierre Laurent (Barnabé)
Tommy Luminet (Albert)
Anita Plessner (La Grand-Mère)
Tiphaine Rabaud-Fournier (Mina)
Emmanuèle Stochl
(Mariette)

Coproduction : La Comédie de Saint-Étienne/Théâtre de l’Aquarium – Paris /Le Fanal – Scène nationale de Saint-Nazaire


En février 2002, après Le Pays lointain, et au moment où il préparait La Folle de Chaillot de Giraudoux, François Rancillac avait accepté l'invitation des "ATFG" à un débat public à Antony, salle François Molé, pour parler d'un
"Théâtre de résistance".

François Rancillac - Antony - 2002

Photo - MCH

   Giono-Rancillac, une rencontre inattendue, et pourtant, logique. Jean Giono est aujourd'hui l'un des romanciers du vingtième siècle les plus lus, les plus commentés (Proust et Céline ayant épuisé des générations de chercheurs, c'est Giono qui est l'auteur français du XXe siècle sur lequel on écrit le plus de thèses de doctorat). Mais il n'y a pas que les universitaires qui l'étudient. De jeunes romanciers (tel Philippe Claudel) s'en réclament publiquement. Cette pièce Le Bout de la route, a été jouée en 1941 (avec Alain Cuny), publiée en 1943, adaptée au cinéma en 1949 (par Emile Cousinet). Inutile de préciser que, malgré sa publication dans la collection Folio, elle est totalement inconnue du public. Ecrite pendant les années trente, c'est une oeuvre contemporaine des célèbres "récits paysans" de Giono (Regain, Solitude de la pitié, Le grand Troupeau). Aujourd'hui, les lecteurs modernes admirent surtout ses "chroniques romanesques" écrites après la seconde guerre mondiale : Le Hussard sur le Toit, Un roi sans divertissement

   Pourtant, cette pièce (peut-être de 1931) semble annoncer un des thèmes les plus puissants du romancier. Qu'on songe à Langlois, le héros-policier du Roi sans Divertissement (1946) qui arrive dans un village épouvanté par des crimes incompréhensibles perpétrés par un assassin invisible. Langlois vient ramener l'ordre. C'est son but, et il le réalisera. Mais il transporte aussi avec lui un cruel mal de vivre. C'est donc un thème analogue que l'on trouvait déjà dans Le Bout de la route : Jean, un homme seul, étranger, sans argent, et sans amour, arrive dans un village isolé de la Haute Provence où vit une famille ravagée par la brusque mort du père, puis par celle de sa soeur. L'étranger séduit tout le monde, la grand-mère désespérée, la mère "sauvage" Rosine, la fille Mina, et Barnabé l'amoureux de celle-ci. Jean est bon, et lui, le conteur et chanteur, se fait l'homme à tout faire dans cette ferme qui revit. Il "aime beaucoup" tout le monde, mais il vit toujours dans le souvenir de la femme qui l'a quitté pour un autre, et qu'il ne peut cesser d'aimer. Jean amène la vie dans ce hameau en deuil, mais il amène aussi sa tragédie personnelle.









Éric Challier
(Jean)

Jean-Pierre Laurent (Barnabé)
Tiphaine Rabaud-Fournier (Mina)




Photo (C) Régis Nardoux
Giono - Le Bout de la route - Rancillac - Photo (C) Regis Nardoux

   François Rancillac a déjà une carrière importante derrière lui : au début des années 90, il a été le directeur artistique du Théâtre du Peuple de Bussang ; il a été (ou il est toujours) co-directeur de la Comédie de  Saint-Etienne ; il est maintenant directeur du Théâtre de l'Aquarium à la Cartoucherie de Vincennes. Pour les spectateurs, il est surtout un metteur en scène inspiré, dont nous avons beaucoup aimé un Aiglon (à Bussang) et un Georges Dandin (1997, au TEP et à Malakoff). Rancillac a aussi mis en scène Giraudoux (Ondine, La Folle de Chaillot). Nous lui devons la découverte d'un chef d'oeuvre de Jean-Luc Lagarce, Le Pays Lointain (au Théâtre de la Tempête) : sa mise en scène a beaucoup fait pour la réputation du dramaturge (mort trop tôt, en 1995, à 38 ans). Or que raconte cette pièce ?  Le retour d'un fils dans sa famille, et l'explosion d'émotions qui a suivi. Rancillac a aussi créé Retour à la Citadelle de Lagarce (1990 et 2007), qui, comme son titre l'indique, est l'histoire du retour d'un fils dans sa ville ; mais cette fois-ci, c'est une pièce satirique. Un homme seul qui pénètre dans un milieu fermé et qui le transforme pas sa seule présence, voilà peut-être le thème qui a retenu Rancillac dans la pièce inconnue de Giono.

   Il est très important que des metteurs en scène comme François Rancillac présentent des "classiques modernes", car l'on manque actuellement cruellement d'un répertoire dans ce domaine. Entre les "grands classiques" que l'on remet perpétuellement en scène (pourquoi autant de "Maisons de Poupée" cette saison-ci ? par manque d'imagination des metteurs en scène ?), et des "créations contemporaines" sans lendemain, il faut faire vivre un "répertoire moderne". Peut-on dire que cette pièce de Giono est "un chef-d'oeuvre", peut-être pas. Mais loin du "folklore provençal" où l'on a souvent cru voir Giono, sa pièce est une tragédie chez les hommes et les femmes du commun. Une expérience de la dépression et de la folie, traitée non pas comme un "fait divers" (la plaie de l'écriture actuelle !), mais en tragédie. Disons que ce Bout de la route est une "bonne pièce". Mais la mise en scène de François Rancillac est exceptionnelle : l'image est d 'une rare beauté. Rien n'y est réaliste. Mais on sent l'ambiance d'un pays rude (les montagnes de Haute Provence), où peuvent se rencontrer la mort et l'amour, la joie de vivre et la folie. Les acteurs, Eric Challier en tout premier lieu, ont su donner à leurs personnages tout le poids nécessaire. Mais il est sûr que c'est par la force visuelle du lieu créé par François Rancillac qu'on voit (qu'on vit) le drame intime de ces êtres victimes de leurs sentiments. Comment décrire un décor-mur qui peut être aussi bien noir strié (comme un tableau de Soulages) que doré ? qui peut barrer le paysage, ou créer un lieu intime où bavarder, mais où se révèlent des sentiments ravageurs ? On a rarement montré avec une telle force l'intériorité des personnages par la vision de l'extériorité où ils vivent !   
J.-L. Lambert


Théâtre 71
Malakoff
20 janvier-27 février 2010
Littoral, de Wajdi Mouwad

Wajdi Mouawad - Littoral - Theatre 71 - Thibaut-Baron

Nous avons revu avec plaisir et émotion la célèbre pièce de Wajdi Mouawad, découverte en 1999 à Malakoff dans une première mise en scène de l'auteur. L'auteur-metteur en scène la reprend dans une nouvelle réalisation conçue pour le festival d'Avignon (juillet 2009) où Wajdi Mouawad était artiste invité. Ceux qui avaient vu son précédent one man show, Seul, ont retrouvé le goût actuel de l'auteur pour les recherches plastiques. Mais ces recherches sont toujours au service d'un travail sur la place de l'humain au milieu des tragédies de l'Histoire (pour Mouawad, les guerres fratricides au Liban). La pièce avait été reprise en 2005 par Magali Léris  : l'auteur avait alors été lauréat du Molière du meilleur auteur francophone (prix qu'il avait refusé).



Espace Cirque d'Antony, du 12 au 20 février 2010 Circenses par le Cirque Ronaldo
Cirque Ronaldo - Circenses

Sur la piste

Karel Creemers (garçon de piste)
Kimi Hartmann (fildefériste)
Nico Heremans (technicien)
Nathalie Kuik (lanceuse de couteaux)
Miguel Lo Mastro (garçon de piste)
Rachel Ponsonby (musicienne)
Danny Ronaldo (clown)
David Ronaldo (directeur)
Johnny Ronaldo (vieux cow-boy)
Maria Ronaldo (la maman)
Nanosh Ronaldo (jongleur)
Pepijn Ronaldo (clown)
David Van Keer (chef d’orchestre)

Composition musicale
David Van Keer

Encadrement
Peter Borfhs


Circus Ronaldo
Côté spectacle, c'est un peu "Les Clowns" de Fellini : de la musique et des numéros où l'on joue avec vos nerfs : les spectateurs du premier rang vont-ils recevoir un seau d'eau sur la tête ? Une très jolie jeune fildeferiste blonde avance sur son fil à l'aide (enfin, si l'on peut dire ...) d'une roue de bicyclette. Un clown n'arrive pas à avancer sur le fil, car il  écrase avec son talon le bout de sa trop grande chaussure, et il est coincé. Une  lanceuse de couteaux fait semblant d'envoyer ses outils pointus (et quelques haches ...) autour d'un mannequin trop maigre, ou d'un autre trop gros : en fait, c'est le machiniste qui vient installer le matériel qui est sa vraie cible ! Cette femme sadique est aussi masochiste : elle monte pieds nus sur une échelle où les barreaux sont des épées dont elle a prouvé le tranchant en y découpant ... un concombre ! Apothéose finale, le clown et la fildeferiste se perdent dans un lustre trop haut placé pour qu'ils puissent en redescendre : comment feront-ils pour en partir ? Par le ciel ?
Côté spectacle ou côté coulisses ? De toute façon, on ne choisit pas : c'est la couleur d'un ticket qui décide de quel côté vous verrez d'abord le spectacle. 

Depuis 1857 (dit la légende familiale flamande), le cirque Ronaldo mélange acrobatie et théâtre.

Circenses - Copyrigth Benny Degrove
Et après l'entracte, côté coulisses : là, tout se déglingue. Les artistes cherchent à s'entretuer. Ils essaient de mettre au point un spectacle de magie qui n'arrivera jamais à être présenté côté spectacle : hilarante scène de réanimation d'un lapin en peluche qui ne sortira jamais du chapeau de son prestigiditateur. Un adolescent-apprenti sorcier met le feu au rideau de scène. Tous les "trucs" des magiciens sont éventés avec une maladresse pleine de virtuosité. Et tout se déglingue, tout se déglingue ... pour le plus grand plaisir des spectateurs ! Gros succès.




Haut de la Page
Logo ATFG - Firmin Gémier par G-R Grataloup
Retour à la page d'accueil
© ATFG - Amis du Théâtre Firmin Gémier – Mise à jour du 30 avril 2010